Les mycotoxines à l’étude dans plusieurs filières de l’océan Indien

Du 10 au 14 décembre 2018, sept chercheurs et techniciens de laboratoires de Madagascar, de Maurice, des Comores, des Seychelles et de la Réunion ont participé à un atelier méthodologique consacré à la détection des mycotoxines dans les aliments au sein des laboratoires Qualisud du Cirad à Saint Pierre. Que sont les mycotoxines et où les retrouve-t-on ?

On estime qu’environ 25% des cultures vivrières de la planète sont attaquées par des moisissures productrices de mycotoxines occasionnant des pertes totales de denrées alimentaires estimées à près de 1 milliard de tonnes par an (FAO, 2008).

Qu’est-ce que les mycotoxines ?

« Ce sont des métabolites secondaires synthétisés par certaines moisissures dans certaines conditions (température, humidité…) et qui peuvent avoir une action toxique (notamment cancérigène) envers les mammifères, parmi lesquels les êtres humains. Il existe plusieurs types de mycotoxines (Aflatoxines, Ochratoxines,…) produites par différentes espèces fongiques, sachant que certains champignons sont capables de produire plusieurs types de toxines, ce qui rend l’exercice de détection encore plus difficile. », explique Jean-Christophe Meile (Cirad, UMR Qualisud).

Dans le cadre du projet Interreg-V Qualinnov 2, Jean-Christophe Meile coordonne une action de recherche consacrée à la détection des mycotoxines dans les aliments dans l’Océan Indien.

« L’objectif est d’établir une photographie, au plus proche de la réalité, du niveau de contamination des matrices alimentaires de l’Océan Indien. En effet, il y a très peu de données scientifiques sur cette région du monde. Or, nous savons que beaucoup de denrées alimentaires consommées dans la zone sont potentiellement touchées par les mycotoxines. Ceci concerne aussi bien des denrées produites et échangées au sein de la sous-région, que des produits importés qui sont consommés quotidiennement, tel que le riz importé d’Asie ».

Premières analyses sur le café, le riz, le maïs, le lait et les arachides

Parallèlement à cet état des lieux, cette activité permet de former le personnel de laboratoires référents de Madagascar, des Comores, de Maurice, des Seychelles ainsi que du Cirad à la Réunion à la détection des mycotoxines dans les aliments. Avec l’appui de Noël Durand (Cirad, UMR QualiSud), expert du domaine, spécialement venu de Montpellier pour animer la formation, Jean-Christophe a organisé en décembre 2018 un atelier pour mettre au point les protocoles d’analyse des mycotoxines par HPLC et kits rapides. Les participants[1] ont amené dans leurs valises une cinquantaine d’échantillons (arachides, café, cacao, maïs, riz, lait) qui ont été analysés lors de l’atelier.

« Nous avons ciblé les analyses sur deux types de mycotoxines : l’ochratoxine A qui affecte principalement le café et les céréales, et les aflatoxines, qui contaminent surtout les céréales et les arachides. Au vu des premiers résultats de l’atelier, nous avons sélectionné deux matrices d’intérêt majeur car très consommées dans la zone, à savoir le riz et le maïs, pour lesquels nous allons poursuivre les analyses dans chaque pays sur un plus grand nombre d’échantillons. », ajoute Jean-Christophe.

Un enjeu sanitaire important

Les enjeux autour des mycotoxines sont à la fois économiques et sanitaires. D’un point de vue économique, les champignons vont altérer la qualité du produit et le rendre non conforme et donc impropre à la vente. Au niveau sanitaire, certaines mycotoxines sont reconnues comme responsables de cancers (notamment du foie) chez l’homme et chez l’animal.

L’impact des mycotoxines sur la santé peut être direct (via l’ingestion d’aliments contaminés) ou indirect (via la consommation de produits issus d’animaux eux-mêmes contaminés). « Les mycotoxines concernent beaucoup les céréales, et donc l‘alimentation animale, ce qui impacte la santé des animaux. Un exemple concret : l’aflatoxine M1 présente dans le lait vient en fait de l’aflatoxine B1 qui est métabolisée par les bovins ».

Egalement, des consignes sur les échantillonnages et les analyses de filières ont été transmises aux partenaires afin que soient mis en place, conjointement aux analyses, des méthodes harmonisées entre les laboratoires des différents pays de la zone.

Un second atelier de suivi est prévu à Maurice en avril 2019 afin d’avoir un premier retour d’expériences dans chaque pays et de perfectionner les méthodes d’analyses et d’interprétation des données supplémentaires (environ 200 échantillons) sur le riz et le maïs.

Cette action de recherche s’inscrit dans le cadre du projet Feder Interreg-V Qualinnov 2 cofinancé par l’Union européenne et la Région Réunion.

[1] Zo Randriamahatody, C.N.R.E., Madagascar
Sylvette Labrosse, Seychelles Public Health Laboratory, Seychelles
Bibi Samimah Joomun, Food Technology Laboratory, Mauritius
Azali Ahamada-Himidi, LAR2SN, Comores
Jean Christophe Meile, Cirad, Réunion
Mathilde Hoarau, Cirad, Réunion
Jérôme Minier, Cirad, Réunion