Médicaments vétérinaires et résidus d’antibiotiques en élevage porcin

Une analyse des pratiques en élevage à Madagascar

L’élevage porcin est considérable à Madagascar avec cheptel de 1,5 millions de têtes en 2012. Les résidus d’antibiotiques dans la viande présentent plusieurs risques pour la santé publique ; ils sont notamment associés à l’apparition de bactéries résistantes aux antibiotiques, transmissibles de l’animal à l’homme et dangereuses pour la santé humaine. Des études menées précédemment (Rakotoharinome et al, 2013) ont montré une proportion élevée de viande de porc contaminées par les résidus d’antibiotiques à Madagascar (32% en 2010, 39,3% en 2011).

En 2014, la DSV en lien avec le Cirad et le LNDV a essayé de comprendre pourquoi les viandes de porc sont tant contaminées par des résidus d’antibiotiques à Madagascar grâce à une enquête  auprès de 90 éleveurs porcins réalisée dans trois zones détude (Tsiroanomandidy, Arivonimamo et Imerintsiatosika)  tout en poursuivant la surveillance nationale afin d’obtenir des prévalences nationales entre 2010 et 2013.

Des viandes de porc toujours autant contaminées

Les analyses de viandes ont été réalisées grâce au Premi© Test, une méthode basée sur l’inhibition du développement d’une bactérie sensible à de nombreux antibiotiques et aux sulfamides. L’inhibition a lieu lorsque les résidus d’antibiotiques sont présents dans la viande en quantité supérieure aux Limites Maximales de Résidus (LMR) éditées par le Codex Alimentarius. La prévalence nationale pour 2012 est de 17,8% et celle de 2013 de 28,3%. Globalement, les taux de viandes de porc contaminées par les résidus d’antibiotiques sont élevés à Madagascar ; ils sont compris entre 17 et 40% selon les années. Des analyses ont été réalisées dans les trois mêmes zones d’étude (Tsiroanomandidy, Arivonimamo, Imerintsiatosika) afin de comparer les contaminations de viande en fonction de la zone. Les résultats obtenus ne montrent aucune une variation significative des prévalences d’échantillons positifs pour les trois zones (16,7% ; 13,3% ; 11,7% respectivement). Les contaminations sont donc considérées comme similaires (test du Khi 2, p-value=0,05). Pour chaque ville, des prélèvements ont été réalisés dans un abattoir de la capitale et dans un abattoir local afin d’observer l’impact du choix de l’abattoir sur la contamination des viandes mais aucune différence n’a été mise en évidence (test du Khi2, p-value=0,05).

Un usage à risque des antibiotiques en élevage

Les enquêtes réalisées dans les élevages porcins ont fourni de nombreuses données sur les pratiques d’élevage. Concernant les mesures d’hygiène, on a constaté qu’aucun élevage interrogé ne possède de pédiluve, de quarantaine pour l’introduction d’animaux, d’équipement ou de matériel spécifique dédié à l’élevage. Seulement 8 élevages sur 90 disposent d’une infirmerie pour les animaux malades. La désinfection des bâtiments est effectuée dans 46% des cas, de façon plus ou moins régulière. Globalement, les mesures d’hygiène ne sont pas appliquées dans les élevages porcins interrogés. La prévention des maladies passe avant tout par l’application de règles d’hygiène simples, un rappel de leur utilité est à envisager à destination des éleveurs.

Les visites d’un technicien dans l’élevage ne sont pas systématiques (72% des cas) ; 30% des éleveurs soignent encore eux-mêmes leurs animaux. La relation entre les éleveurs et les techniciens et vétérinaires semble devoir être renforcée pour améliorer la gestion d’élevage.

Les mauvaises pratiques liées à l’utilisation des antibiotiques rencontrées sont :

  • Méconnaissance des produits utilisés et des posologies (48% des cas)
  • Méconnaissance des temps d’attente (87% des cas)
  • Méconnaissance des risques liés aux résidus d’antibiotiques (90% des cas)
  • Large utilisation des antibiotiques (dans 78% des élevages interrogés),
  • Mauvaise gestion des maladies et vente des animaux malades après traitement antibiotique (27% des cas)

Trois groupes d’élevages distincts ont été identifiés. Le premier groupe réunit les gros élevages, où les éleveurs ont de bonnes connaissances médicales, mais ne respectent pas les délais d’attente par peur de perte économique. Le deuxième groupe rassemble les petits ateliers d’engraissement, où les éleveurs ont peu de moyens et pas de connaissances médicales. Le troisième groupe réunit des élevages intermédiaires, en développement, accompagné par des techniciens qui encadrent les éleveurs pour assurer les soins aux animaux.

Une utilisation illégale mais généralisée des hormones de synthèse

Les injections de Médroxyprogestérone acétate (Confiance©) sont des injections d’hormones à visée contraceptive chez la femme. Ces injections sont fréquemment employées sur les porcs femelles afin d’améliorer l’engraissement (38% des éleveurs interrogés les utilisent). Dans 50% des cas, les éleveurs achètent ces produits chez leur vétérinaire ou leur technicien, les autres en pharmacie ou dans les centres de santé. Les éleveurs utilisent ces injections sur les truies de réforme et sur les femelles en engraissement. De nombreux avantages sont notés (faible coût, facilité d’utilisation, amélioration de l’engraissement, absence de complication liée à une intervention chirurgicale, absence d’effets secondaires) en oubliant le fait que ces hormones de synthèses ne sont pas dégradées et que leurs résidus se retrouvent dans la viande, par la suite consommée par des populations potentiellement sensibles. Non seulement l’utilisation d’hormones en élevage porcin est illégale à Madagascar, mais cette pratique présente un risque pour la santé publique et représente un détournement grave des fonds du planning familial malgache et de la coopération internationale. Des mesures d’informations et de contrôle doivent être envisagées à destination des acteurs des filières animales mais aussi à destination du secteur de la Santé.

Quelles perspectives ?

Tous ces éléments constituent des pratiques à risque liées à la présence de résidus d‘antibiotiques dans les viandes de porc et doivent faire l’objet de formations et de sensibilisation auprès des éleveurs ainsi que des techniciens et des vétérinaires. On pourra également penser à une sensibilisation particulière concernant les risques liés aux résidus d’antibiotiques dans la viande.

Les profils d’éleveurs et les pratiques sont donc très variables selon les élevages. Cependant, on retrouve des mauvaises pratiques d’utilisation des médicaments vétérinaires dans la majorité des élevages. Les actions futures visant à améliorer ces pratiques et à réduire les taux de contaminations des viandes sont à adapter en fonction des types d’élevages ciblés.