Une série de guides pour rendre la filière Tsiperifery plus durable

Sarah Detournay et Mathieu Weil, du Cirad à la Réunion, sont partis à Madagascar pour y rencontrer les acteurs de la filière Tsiperifery et travailler sur l'élaboration de guides de bonnes pratiques de culture et de transformation des poivres à queue.

Replantation de lianes de Tsiperifery en fôret

7h30. Nous quittons le brouhaha de la capitale pour laisser place aux collines multicolores et aux rizières alors que nous progressons sur la RN2 en direction de la forêt de la Mandraka, à 65km à l’Est de Tananarive. Nous rejoignons Olivier Ramaherison dans sa maison de la Mandraka, en bordure d’une forêt secondaire de Tsiperifery, qui accueille ses pépinières de poivre sauvage.

D’origine franco-malgache, Olivier est revenu s’installer à Madagascar il y a 10 ans lorsqu’il a hérité d’une parcelle de forêt de son grand père. En avril 2013, il a commencé la construction des pépinières puis a replanté les boutures en forêt en octobre 2014. Mais les débuts furent difficiles et ses premiers essais de bouturage n’étaient pas encourageants. « J’ai suivi l’itinéraire technique du Piper nigrum (avec des rameaux aériens) mais les boutures ne prenaient pas malgré des tests de germination et d’hormones de croissance. Puis soudainement les boutures ont commencé à prendre. J’en ai alors discuté avec M. Jean Lichou, ancien ingénieur du CIRAD, qui a émis l’hypothèse que cette croissance serait liée à la présence de mycorhizes [1] dans l’humus naturel du Tsiperifery qui favoriseraient le taux de reprise lors du bouturage. Je m’en suis donc servi comme substrat pour les bouturages », confie Olivier.

Par ailleurs, Olivier a développé le bouturage à partir de rameaux rampants, ce qui diffère de l’itinéraire technique habituel pour le poivre noir qui prévoit de prendre les rameaux aériens. Pour le Tsiperifery, il semblerait que le taux de reprise soit bien meilleur (80 %) avec les rameaux rampants alors que les rameaux aériens (au taux de reprise faible 15%) fructifieraient eux beaucoup plus rapidement.

« Ces dernières années, nous avons réalisé plusieurs tests de domestication du poivre sauvage et nous aimerions confirmer certaines hypothèses grâce à la recherche. C’est dans cette optique que je mets à disposition de Fameno une parcelle de forêt pour qu’elle puisse réaliser ses expérimentations dans le cadre de sa thèse », explique Olivier.

Doctorante à l’Université d’Antananarivo, Fameno Ramahavalisoa réalise une thèse sur l’interaction génotype-environnement du poivre Tsiperifery dans le cadre du projet Dometsip. Sa thèse se divise en deux parties : (1) L’étude de l’impact du bouturage en cascade sur la croissance des boutures ; (2) L’architecture et le développement de la plante de la graine jusqu’à maturité.Disposant d’un grand terrain, Olivier a décidé de diversifier ses activités en réalisant de l’huile essentielle de poivre, de gingembre et de géranium.

Cette journée de terrain nous a permis de découvrir les avancées significatives réalisées par Olivier et son équipe sur le site de la Mandraka, à savoir 150 000 pieds de Tsiperifery replantés en forêt depuis 5 ans et 30 000 boutures en pépinière chaque année.  

Développer des guides pratiques pour la filière

La deuxième partie de la mission fût consacrée à l’élaboration de guides de bonnes pratiques (GBP) de culture et de transformation du Tsiperifery et autres poivres à queues. Un atelier de deux jours a rassemblé une quinzaine d’acteurs de la filière Tsiperifery de Madagascar (chercheurs, cueilleurs, techniciens…) autour de la rédaction de ces guides.

Les Guides de Bonnes Pratiques de culture et de transformation du poivre sauvage (en malgache et en français) devraient être disponibles en octobre 2018. Une mission de présentation/test de ces guides sur un site pilote (à proximité du Parc National de Ranomafana) aura lieu début octobre 2018.

Cette mission a été réalisée dans le cadre des projets Dometsip, Capetsip et Interreg-V Qualinnov 2, financé par l’Union européenne, la Région Réunion et l’Ambassade de France à Madagascar.
 

[1] Association symbiotique entre des moisissures et les racines du poivre sauvage